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Entreprendre

Innovations managériales : normes et créativité

S’il n’existe pas réellement de définition officielle de l’innovation managériale, le terme fleurit pourtant aujourd’hui dans toutes les activités d’accompagnement à la conduite de changement, de restructuration ou d’organisation RH par exemple. Mais finalement, de quoi parle-t-on ?

Il s’agirait de ne pas réduire notre propos au très-à-la-mode management bienveillant, ou à l’innovation digitale qui consiste à installer des applis qui permettent aux collaborateurs et collaboratrices de bien communiquer ou aux entreprises de valider leur taux de bien-être au travail.

Commençons par une petite histoire :

Il était une fois une entreprise, suffisamment prospère pour s’offrir quelques salarié·e·s. Nous sommes au début du XXème siècle, en France. Le patron, appelons-le Eugène, est le garant de la sécurité de ses employé·e·s. Il est un soutien technique. Il connaît le métier. Il est dans l’affectif, il connaît chacun des membres de son équipe, leurs enfants, leur vie. On dirait d’Eugène aujourd’hui qu’il est paternaliste et qu’il conçoit une culture d’entreprise dans le maintien des traditions et des valeurs de son territoire.

Dans les années 20, le monde devient un peu plus anxiogène et Eugène est désormais un chef, incontesté et incontestable. Il doit assurer l’avenir de son entreprise et tenir les rênes avec autorité, montrer la direction et partir en quête de productivité. On dirait de lui qu’il est directif. L’entreprise réussit à passer des caps difficiles.

Dans les années 50, Michel, le fils d’Eugène, reprend l’entreprise. Un vent nouveau souffle sur l’entreprise et le monde moderne l’encourage à instaurer davantage de règles de conformité, de suivis de qualité. Il est désormais un manager qui donne les ordres et met en place un cadre de travail. Le temps passe.

Le monde évolue rapidement et l’entreprise, dans les années 80, est désormais gérée par un leader qui motive ses équipes en valorisant leurs réussites, qui sont aussi la réussite de l’entreprise. Il motive et donne du sens, dans une réflexion stratégique et un souci de performance. Cette entreprise continue sa route et son succès jusqu’aux années 2000. Le temps passe vite. Les managers sont plus nombreux, cultivent la collaboration, le bien-être de leurs équipes et se doivent d’être présent·e·s et dans le soutien.

De la relation au travail...

Pendant cette période de révolution managériale, le patron, le manager, le chef, peu importe son nom, entretient une relation « parent-enfant » avec son/sa salarié·e, collaborateur·trice, subordonné·e… Aussi positive que l’évolution puisse paraître, nous ne connaissons à ce stade qu’une relation basée sur la hiérarchie et le rapport d’autorité, et non sur l’équité ou l’égalité.

À partir de 2010, nous arrivons à l’ère de la facilitation. Le maître-mot est « liberté ». Nous parlons de Responsabilité Sociétale de l’Entreprise, de co-construction, d’autonomie, d’expression et de droit à l’erreur. Nous entrons dans une nouvelle ère : celle de la relation « adulte-adulte ».  

Cette histoire nous permet de voir que nous n’avons cessé d’innover, d’évoluer, de chercher de nouvelles manières de travailler. Alors, quoi de nouveau sous le soleil ?

« De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités. » Ce nouveau rapport à l’entreprise, et à la hiérarchie, demande de responsabiliser chacun et chacune, d’engager ses collaborateurs et collaboratrices, de les fidéliser. Dans certains secteurs ou certains territoires, les fidéliser est un challenge au moins aussi important que la fidélisation de la clientèle ou la qualité produit !

témoignage laure rondeau desroches

... à la place du travail.

Alors les entreprises s’ouvrent à la créativité. On crée de nouvelles fonctions, de nouveaux postes, de nouvelles façons de travailler. On place le collaborateur et la collaboratrice au centre de l’expérience client. On réalise que nos collègues, nos salarié·e·s, nos managers, sont également des êtres humains. Que les femmes ont autant de qualités techniques et personnelles que les hommes. Que les “seniors” ne sont peut-être pas “out” finalement. Que les “jeunes” aussi apportent un nouveau souffle et attendent que leur vie, et leur travail, aient du sens.

On découvre également que le travail peut tuer, abîmer, épuiser. Être créatif est une chose, mais encore faut-il rester dans les normes, et nous savons tous et toutes à quel point les contraintes administratives, légales, concurrentielles ou financières sont nombreuses. Il n’est de liberté que dans la contrainte, nous apprend-on au théâtre. Ce pourrait être un sujet philosophique de choix.  

Il y aurait en effet beaucoup à dire, à débattre et à redire, sur le fond comme sur la forme. Bien de l’encre coule ces dernières années sur la mise en place de jolies salles de pause avec babyfoot assorti, sur la création de postes de “Chief Happiness Officer” et d’autres articles ne manqueront pas de rejoindre nos publications pour nourrir la réflexion et provoquer des échanges sur ces questions.

Repenser l’organisation, restructurer l’entreprise.

Responsabilisation : Toujours dans ce rapport d’adulte à adulte, il s’agit là d’une vraie nouveauté managériale. Considérer chaque membre de l’équipe comme faisant partie du TOUT, intégrer une participation aux valeurs de l’entreprise, valoriser humainement et financièrement les actions collectives.

Des actions concrètes comme rendre tous les collaborateurs et collaboratrices actionnaires à égalité, créer collectivement des chartes des valeurs, valoriser les avis transversaux et prendre en compte de manière concrète les expériences et avis de chacun et chacune. Parmi les expériences les plus novatrices : instaurer les congés illimités au choix des salarié·e·s et développer le télétravail. Ces 2 derniers items s’avèrent présenter aujourd’hui d’excellents résultats. La plus grande nouveauté appliquée à la responsabilité reste cependant le télétravail. (En 2017, selon la dernière étude DARES pour le ministère du Travail, 7% des salarié·e·s (dont 61% de cadres) ont pratiqué le télétravail.) Si on peut supposer une progression en 2020, la méthode reste encore assez peu répandue, mais tend à se développer. Une bonne raison au moins de l’adopter : moins de stress pour plus de productivité !

Développer l’intelligence collective en réseau : Certains territoires, ou certains secteurs, souffrent de leur image ou de leurs méthodes (passées ou non). Certaines entreprises ont choisi de se regrouper, de créer des pôles de confiance inter-entreprises, d’échanger et de réfléchir ensemble à des solutions communes. Le principe ? Déléguer des équipes pour chaque entreprise, qui travailleront en commun à trouver des solutions pour tous, limitant également les coûts pour chaque entité. Le sujet le plus communément abordé restant le recrutement et la fidélisation des collaborateurs et collaboratrices.

Intégrer l’agilité : L’agilité n’est pas une méthode en tant que telle, c’est une posture, un état d’esprit. Au-delà du terme à la mode, il s’agit surtout ici de former les services RH notamment, mais également les responsables et autres managers, afin de s’adapter aux nouveaux modes de fonctionnement, à la mixité des générations en entreprise, et de faire face à ces évolutions pour rester compétitifs et réactifs.

Recruter autrement : Remettre les compétences personnelles au cœur du processus de recrutement. Partons du principe que pour un poste technique, il vous sera assez simple de vérifier les compétences techniques de votre candidat·e. Mais qu’en est-il de son savoir-être ? Non pas dans un état d’esprit jugeant, mais comme dans n’importe quelle relation, il faut “matcher”. Partageons-nous les mêmes valeurs ? Quelle Vision apporte l’entreprise ? Bref, quel avenir pouvons-nous construire ensemble ? Pour cela, il s’agit de revoir drastiquement nos manières de recruter, et se former à de nouvelles méthodes comme la ludo-pédagogie, le développement personnel, l’agilité, la bienveillance, l’écoute active et tant d’autres.

Engagement : L’engagement et la fidélisation, sont au coeur de la pensée managériale innovante. Sur ce thème, bien des actions sont possibles et la créativité est de mise. On pourrait citer, par exemple, les initiatives solidaires en entreprise : créer un partenariat avec une ou des associations et encourager les collaborateurs et collaboratrices à s’y engager. Ces mêmes engagements peuvent êtres liés à des valeurs écologiques, en incluant des actes forts ou en pratiquant une véritable conduite de changement au sein même de l’entreprise : développer le covoiturage, entreprendre une véritable démarche R.S.E., avec ou sans labellisation… La nouveauté ici est de comprendre que les valeurs de l’entreprise et celles des salarié·e·s doivent faire sens et exister ensemble au quotidien.

L’intrapreneuriat : Gestion de projet et création d’une entreprise dans l’entreprise. Voilà un sujet novateur ! La définition : l’intrapreneuriat est une démarche d’entrepreneuriat au sein même d’une entreprise existante. L’entreprise (souvent de taille moyenne ou grande) héberge et couve les projets innovants qui naissent en son sein. L’intrapreneuriat permet de valoriser le rôle et la prise d’initiative des salarié·e·s, qui deviennent alors des intrapreneur·e·s. Un exemple des plus célèbres est l’intrapreneuriat au sein de Google qui a permis de développer Gmail.

Le social business : Le social business est défini par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus comme une entreprise créée et conçue pour répondre à un problème social ciblé, ne produisant ni perte ni dividende. L'entreprise doit être financièrement autonome (ne pas dépendre de subventions ou donations). De plus, les profits sont réinvestis pour répondre au problème social. Si le social business n’est pas tout à fait un management innovant, il est cependant une nouvelle vision du business et de l’entreprise. Il crée de nouvelles normes : par exemple, les employé·e·s reçoivent des salaires conformes au marché ou aux lois de leur pays, mais avec des conditions de travail supérieures à la moyenne.

En conclusion, l’évolution des méthodes est telle que nous ne saurions être exhaustives, et certaines expérimentations n’ont pas encore suffisamment de recul pour être complètement validées. Mais nous sommes définitivement entrées dans une ère nouvelle, qui place l’humain au cœur de l’entreprise et des process de management. Et quand l’innovation est humaine, on peut supposer qu’elle peut tout aussi bien nous emmener haut et loin que bas et nulle part. Gardons l’esprit positif cependant, et reconnaissons que le progrès, humain comme technique, est arrivé dans nos vies d’entrepreneures pour le meilleur également. Et si nous faisions confiance à l’Humain ?

Par Aurélie Bargy
Crédit photos Pixabay

 

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